Fiche synthèse
1. Objectifs
Intentions :
« Une recherche que nous avons menée récemment sur la vie familiale (Malenfant et al., 2002) avait montré que près de la moitié des personnes interviewées avaient décidé, après quelques années passées sur le marché du travail et la naissance de leurs enfants, de changer de métier ou de profession. Puisque l’objectif de cette étude n’était pas d’investiguer cette situation, nous n’avons pu approfondir la question. C’est donc la raison pour laquelle nous avons voulu nous y attarder davantage dans le cadre de la présente recherche. » (p. 6) « L’objectif général de cette recherche est donc de mieux saisir l’expérience des travailleuses et des travailleurs qui après avoir amorcé leur famille, ont décidé de retourner aux études. » (p. 12)
Questions/Hypothèses :
« Nous avons donc pour objectif de mieux comprendre les circonstances — personnelle, familiale, sociale et professionnel [sic] —, dans lesquelles les projets d’études des parents ont émergé, et de cerner les effets de l’engagement dans cette formation sur leurs différentes sphères de vie, et ce, pour arriver à identifier les conditions qui sont plus ou moins favorables à la poursuite de leurs ambitions. Enfin, nous avons également pour objectif de voir s’il s’agit là d’une stratégie de mobilité professionnelle gagnante compte tenu des coûts, des bénéfices et des changements que la réalisation de ces études est susceptible d’avoir provoqués dans l’ensemble de leur vie. » (pp. 12-13)
2. Méthode
Échantillon/Matériau :
21 personnes aux situations variées (sexe, type de famille, niveau de scolarité initial, niveau d’avancement de la nouvelle formation), dont 15 femmes (entre 25 et 40 ans) et 6 hommes (entre 30 et 40 ans). « Au moment où ils sont interviewés, plus de la moitié (11/21) des parents ont un enfant seulement, quatre en ont deux, quatre en ont trois, un en a quatre et enfin, un dernier en a cinq. Il faut cependant préciser que plusieurs des femmes ont un seul enfant, et que ce sont des hommes qui en ont quatre ou cinq. Par ailleurs, quelques-uns des parents rencontrés avaient pour l’avenir le projet d’agrandir leur famille, d’avoir un autre enfant. Sept de nos participants — quatre femmes et trois hommes — sont issus de familles biparentales intactes; neuf — huit femmes et un homme — vivent dans une famille monoparentale et ont la garde de leurs enfants; enfin, cinq — trois femmes et deux hommes — sont dans une famille recomposée. » (p. 16)
Instruments :
Guide d’entretien individuel semi-directif d’une durée moyenne de deux heures
Type de traitement des données :
Analyse de contenu
3. Résumé
« La recherche a montré qu’un ensemble de conditions semblent propices pour effectuer un retour aux études : avoir quitté l’école une première fois faute d’avoir un projet scolaire et professionnel bien défini, le manque d’intérêt pour les emplois occupés, des conditions de travail jugées insatisfaisantes, l’aspiration à vouloir se réaliser pleinement en emploi, croire que des études ne peuvent qu’améliorer une situation professionnelle et enfin la possibilité d’obtenir un soutien financier. La recherche a également montré que les projets et la situation professionnelle des personnes rencontrées ont beaucoup évolué à partir de leur première sortie du système scolaire. Les perceptions reliées aux emplois occupés depuis plusieurs années se sont en effet modifiées au gré des conditions offertes sur le marché du travail, mais aussi au gré des changements vécus dans la vie personnelle, conjugale et familiale. Les projets professionnels se sont également transformés et précisés avec le temps.
Alors qu’on aurait pu penser que des responsabilités reliées à des enfants puissent contraindre la disponibilité de personnes en emploi depuis plusieurs années, voire les empêcher d’effectuer un retour aux études en raison du manque de temps, du manque à gagner et des coûts qu’engendrent un tel projet, la recherche a permis de constater d’une part, que vouloir mieux assumer son rôle de parent, peut même ajouter à la motivation d’accéder à cette étape jugée nécessaire à l’amélioration de sa situation professionnelle. La recherche a permis de constater d’autre part, tout le temps, l’énergie, et le prix que certains — même au mitan de la vie — sont prêts à investir pour améliorer leurs conditions de travail, mais aussi pour pouvoir parvenir enfin à se réaliser en emploi.
En fait, beaucoup de détermination semble nécessaire pour effectuer et mener à terme un projet de retour aux études. Les difficultés rencontrées sont multiples : une gestion du temps très serrée, des conditions matérielles d’existence fortement réduites pour plusieurs, bien des incertitudes aussi quant à ce que le marché du travail leur réserve compte tenu de leur âge. Pour plusieurs d’ailleurs, les premières semaines qui suivent leur retour en formation sont vécues plus difficilement. Ils peuvent alors mesurer tout ce qui les différencie, les distingue des étudiantes et étudiants plus jeunes. Ils sont également confrontés au rythme de vie et à la charge de travail que ce projet d’études implique, et plusieurs doivent alors procéder à certains ajustements. Enfin, certains doutent, en tant qu’adulte ayant charge d’enfant, d’être à leur place à l’école. Dans ce contexte, les regroupements de parents aux études constituent donc pour plusieurs un lieu important d’intégration au milieu scolaire et une forme de soutien importante, puisqu’il s’agit là d’un lieu de rassemblement possible avec des personnes qui leur ressemblent, et qui souvent partagent les mêmes préoccupations.
Par ailleurs, la recherche amène à penser que les difficultés rencontrées par les parents inscrits dans les établissements de niveau collégial sont plus importantes encore que celles vécues pour ceux inscrits au niveau secondaire et universitaire. De fait, l’horaire des cours et la politique concernant les absences s’avèrent plus particulièrement contraignants. Pourtant, la décision du cégep Limoilou de donner préséance à leurs étudiantes et étudiants qui ont des responsabilités hors travail dans le choix de leur horaire indique que des mesures peuvent aisément être adoptées dans les établissements pour accommoder davantage cette clientèle. Par ailleurs, la gestion des absences des parents que font déjà certains enseignants lorsqu’elles sont justifiées par la maladie de leurs enfants, montre à l’évidence qu’il est possible d’user de jugement et de discernement dans l’application des politiques. Parce qu’elle refuse de considérer dans l’énoncé même du règlement concernant les absences les responsabilités qui incombent aux parents aux études, les établissements s’en remettent donc actuellement au personnel enseignant. Or, ce faisant la règle est appliquée différemment et selon le bon vouloir du personnel enseignant; ce qui laisse place à l’arbitraire, et peut occasionner certaines disparités entre les étudiants.
Pourtant, la recherche a permis de constater encore une fois l’importance que peut jouer le niveau collégial dans l’accessibilité à l’enseignement supérieur. Pour plusieurs parents qui ont quitté le système scolaire après des études secondaires, une formation universitaire apparaît en effet hors de portée. Des études de niveau collégial leur semblent plus accessibles en raison du temps de formation plus circonscrit, du coût moins élevé de la formation, et des exigences d’admission moins élevées. Aussi, avec l’appui des intervenants des Carrefour-Jeunesse-Emploi, les parents finissent par se laisser convaincre de faire le saut et de tenter l’expérience. On comprendra alors qu’ils puissent être plus sensibles encore à l’accueil qui leur sera réservé, à la place qui semble leur être faite dans les classes et les établissements d’enseignement. Par ailleurs, la recherche a aussi permis de constater que celles et ceux parmi eux qui vont réussir à mener à terme une formation collégiale technique, peuvent même en venir à envisager la possibilité de poursuivre un jour des études à l’université. » (pp. 67-69)