L’enfance sous le regard de l’expertise médicale : 1930-1970

L’enfance sous le regard de l’expertise médicale : 1930-1970

L’enfance sous le regard de l’expertise médicale : 1930-1970

L’enfance sous le regard de l’expertise médicale : 1930-1970s

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Référence bibliographique [3101]

Hamelin Brabant, Louise. 2006. «L’enfance sous le regard de l’expertise médicale : 1930-1970 ». Recherches Sociographiques, vol. 47, no 2, p. 277-298.

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Fiche synthèse

1. Objectifs


Intentions :
« Dans la mesure où la culture des sociétés industrielles est entrée dans le règne de l’expertise professionnelle, comment l’intervention rationnelle des spécialistes a-t-elle contribué à la construction sociale de l’enfance? L’objectif de cet article consiste à identifier deux modèles professionnels médicaux qui ont investi le domaine de l’enfance au Québec entre 1930 et 1970, et à saisir leur influence sur sa configuration. Il s’agit en effet de comprendre la façon dont les connaissances scientifiques deviennent, au fil du temps, des cadres de référence dans l’éducation des enfants. » (p. 277)

2. Méthode


Type de traitement des données :
Essai

3. Résumé


« Dès le début du XXe siècle, la science médicale commence à investiguer de façon systématique le champ de l’enfance au Québec. Par une série de glissements progressifs, le recours à un savoir formel et institué pour les soins à prodiguer à l’enfant a été associé à celui de compétence professionnelle et, ce faisant, la pédiatrie, et son volet préventif, la puériculture, ont modifié les images du monde enfantin en introduisant comme mesures éducatives : le rationalisme aseptique, la régularité, la discipline et la mesure. Les discours médicaux de l’entre-deux-guerres ont défini l’éducation des enfants comme un travail structuré, ponctué d’horaires ’policés’, sans cesse repris, qui s’est avéré un travail de rationalisation d’un champ de pratiques. Dans un contexte marqué par la fragilité de l’enfant, la rigidité des règles ayant trait au corps et à l’hygiène s’est faite au détriment d’une vision plus globalisante des besoins de l’enfance, notamment sa réalité affective. À travers le regard porté sur les premiers âges de la vie, se révèle aussi une représentation de l’enfance telle qu’elle devrait être. La pratique médicale a introduit en effet tout un éventail de classes d’âges, caractérisées par des critères et des standards mesurables, ouvrant ainsi la possibilité, à travers les phases de maturation, d’introduire les paramètres de la normalité de l’enfant. Le normal est ce qui s’avère mesuré et normé en tant que tel. Mais avec les années 1950, s’est amorcé un processus d’une nouvelle définition de l’enfance. Globalement, elle apparaît comme une conscience pour l’univers des adultes. Bonne conscience pour les parents qui ne s’attardent pas qu’à assouvir les besoins primaires de l’enfant, mais qui savent l’écouter, le respecter et le stimuler sur le plan affectif. C’est à tout le moins ce que nous retenons des traits du modèle psychopédiatrique qui bouleverse la figure du modèle éducatif précédent. Ses traits distinctifs : l’amour, la tendresse, la tolérance, l’écoute de l’enfant et la quête de son autonomie témoignent de la reconnaissance de l’enfant comme un sujet social à part entière et non seulement comme un être en voie de devenir. Il est construit comme un acteur agissant sur son développement physique, cognitif, social et intellectuel. Il a droit de parole, le droit de pouvoir être lui-même. Paradoxalement, les modèles professionnels, malgré leurs méthodes rigoureuses et leurs résultats intéressants, sont loin de peindre un tableau objectif et immuable de la réalité [...] Les discours médicaux analysés multiplient en effet les incertitudes en introduisant des questionnements nouveaux au regard de l’enfance et ils mettent ainsi en relief les limites des théories soutenues par les savoirs scientifiques. Ce qui s’avérait une certitude sur les habitudes à inculquer à l’enfant dans les années 1940 ne le sera plus une décennie plus tard. Par l’introduction des conseils éducatifs et des visites auprès des parents, les instances médicales se sont avancées sur le terrain de l’espace privé et domestique des familles. Martelés avec conviction, leurs discours ont favorisé auprès des parents l’intériorisation des valeurs de la rationalisation de l’univers familial et celles du ’corps raisonné’ et émotif de l’enfant. La pratique médicale allait entraîner une mouvance importante dans la configuration de l’enfance. » (pp. 294-295)