Référence bibliographique [2955]
Nootens, Thierry. 2006. «''Je crains fort que mon pauvre Henri ne fasse pas grand chose…'' : Les héritiers ''manqués'' et les querelles de la succession Masson, 1850-1930 ». Revue d’Histoire de l’Amérique Française, vol. 59, no 3, p. 223-257.
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Fiche synthèse
1. Objectifs
Intentions :
« Cet article porte sur les aléas de la fortune, de la vie privée et les querelles de la famille Masson. [...]. Joseph Masson [...] était sans contredit l’un des plus riches marchands de Montréal lors de son décès en 1847, ce qui lui valut d’être considéré à titre posthume comme le ’premier millionnaire canadien-français’. » (p. 224)
Questions/Hypothèses :
« Dans le cas des Masson, il faut voir la manière dont une succession d’envergure colossale a pesé sur le statut et l’occupation d’individus sur plusieurs générations, tout en structurant les rapports interpersonnels au sein de cette lignée. Dit autrement, quel pouvait être l’effet sociologique et relationnel d’un patrimoine important? Cette succession fit littéralement surgir de terre deux types de situations embarrassantes : des héritiers ’manqués’, incapables de reconduire le statut et l’honorabilité de leur milieu, ainsi que des litiges à caractère financier, litiges mettant aux prises les différents bénéficiaires de cette manne patrimoniale. [...] Cette analyse de la famille Masson conduit également à interroger l’histoire du libéralisme au Québec, par la mise en relief d’une cohabitation malaisée entre certaines de ses valeurs clés (individualisme, travail, etc.) et la situation de certains membres de son groupe porte-étendard, la bourgeoisie. » (p. 227)
2. Méthode
Échantillon/Matériau :
Les archives privées de la famille Masson
Type de traitement des données :
Analyse de contenu
3. Résumé
« Nous proposons ici une lecture particulière de l’expérience bourgeoise, en mettant l’accent sur les effets sociologiques et relationnels du patrimoine familial. Les archives privées d’une des plus riches lignées canadiennes-françaises du XIXe siècle, les Masson, montrent qu’une succession importante était susceptible d’influencer de manière déterminante le rang social et l’occupation d’héritiers mâles, ainsi que les rapports intrafamiliaux. Cette trajectoire spécifique est marquée, du milieu du XIXe siècle aux premières décennies du XXe siècle, par la présence d’héritiers ’ratés’, successeurs oisifs, endettés ou aux destins marquant un sensible déclassement social. Aussi, la gestion et les profits à tirer de l’opulente succession de Joseph Masson ont suscité de fortes tensions interpersonnelles et des poursuites judiciaires entre apparentés. Certains héritiers ont notamment été marginalisés, puisque leurs proches les jugeaient peu compétents en regard d’un univers financier de plus en plus complexe au début du XXe siècle. Cette étude financière de la vie privée montre en fin de compte que des rapports familiaux pouvaient se dérouler à une distance sensible de certaines données essentielles de la transition au capitalisme comme la valorisation de l’individu entrepreneur et de l’idéologie contractuelle. Et, surtout, à la différence de la perspective ’stratégique’, elle met en lumière les tensions, blocages et éventuelles défaites des acteurs du passé, sans miser implicitement sur la cohérence, la spontanéité des réponses fournies par ces mêmes acteurs à la situation qui était la leur. » (p. 223)